3 février 2016 à 09:41

Focus sur Rachid Hayef

Il est l’un des milieux offensifs de Sarre-Union, celui qui n’a jamais fréquenté de centre de formation. Rachid Hayef, du haut de ses 23 ans, est un digne représentant de son quartier, le Marais de Schiltigheim.

Hayef, 67300 Schiltigheim

C’est parfois fatigant d’être la maman d’un footballeur en herbe. Mahjouba adore bien sûr son fiston, il fait même son immense fierté, comme le souligne un Rachid Hayef, plutôt malicieux.

« Elle garde toutes les coupures de presse me concernant. Et puis, le lendemain de la qualification contre Niort, elle m’a préparé sa recette préférée : le tajine de veau à la marocaine. Un vrai délice. »

« Elle venait me chercher, pour que je mange un peu le soir »

Mais bien plus tôt dans l’histoire, elle devait descendre les cinq étages du 9, rue Lamartine en plein cœur du quartier du Marais pour rattraper son gamin qui courait lui-même après un ballon.

« Elle m’appelait du balcon, je faisais celui qui n’entendait pas. Elle venait me chercher, pour que je mange un peu le soir. Et puis, parce que c’était interdit de jouer avec dans l’appartement, le ballon était condamné à passer ses nuits sur le même balcon. »

Il était le sixième des sept enfants de la famille Hayef, qui s’était installée dans le quartier du Marais à sa naissance, à un dégagement de ballon du stade de l’Aar où s’active le SC Schiltigheim, à un autre dégagement de ballon du Parc des Sports de Bischheim, où évoluent le Mars et le Soleil. « J’aime ce quartier, il est tranquille. Tout le monde cohabite. »

Là où les peureux ne voient que le gris des immeubles, cet heureux de nature n’y distingue que les couleurs de la vie des gens qui l’habitent. Et on a juste envie de lui donner notre voix.

Alors, il écoutait sagement les conseils de son papa, Mohammed, qui lui disait d’obtenir des diplômes à l’école. « Il est terrassier, il ne voulait pas que ses enfants en bavent comme lui. Je le comprends, les études étaient importantes. » Donc, Rachid Hayef, le studieux, obtiendra aisément son Bac. Commencera un BTS Comptabilité, avant d’en commencer un autre en Management.

« Quand je suis allé à Vauban, Serge Comtesse m’avait embauché en alternance dans sa société. Encore aujourd’hui, je lui dis merci. »

Il faut dire que le gamin du Marais avait grandi. Dans la douleur. Après que son frère aîné Brahim avait eu la très bonne idée de l’inscrire au Soleil Bischheim, son passage par le SC Schiltigheim le laissera meurtri. Il avait été détourné des terrains durant six mois, pour une excroissance d’un genou. « J’avais douze ans, j’avais la sensation d’être handicapé, incapable de taper dans le ballon. Mais j’arrivais encore à relativiser. »

Devenir livreur de pizzas et arrêter le foot ou toucher des primes

Il était retourné au foot, à peine 500 mètres plus loin, du côté de Hoenheim avant de rebondir au Mars Bischheim. Et il avait décidé de partir à Gerstheim, pour « évoluer avec les seniors », parce qu’il ne voulait plus totalement dépendre de ses parents.

« J’avais le choix entre deux choses : devenir livreur de pizzas le soir et arrêter le foot, ou toucher des primes dans le club où je signais. »

Ce sera donc l’AS Gerstheim et, quelques mois plus tard, une autre très grosse galère. « Je souffrais d’une vilaine pubalgie. Mon médecin m’avait dit que je devais arrêter définitivement le football, qu’il n’était pas tout dans la vie. J’avais le moral à zéro. Pour moi, le ballon a toujours été un copain que j’essayais de dompter, d’apprivoiser. Je le violente uniquement lorsque je frappe au but », raconte cet inconditionnel d’Hatem Ben Arfa.

« Ce sont des dribbleurs et des mecs comme ça qui te donnent envie d’aller au stade. »

Lui, Rachid Hayef, ira consulter un autre médecin et reprendra la route des prés verts un an plus loin, heureux de recourir sans maux. « C’était une vraie délivrance. »

Son coach, Kokou Djobo, le recommande aux dirigeants de Vauban, il y a un peu plus de quatre ans seulement. Il passe entre les mains de Bruno Paterno (qui l’emmènera plus tard en Alsace-Bossue), évoque encore Serge Comtesse avec le sourire.

« À Gerstheim, le football était uniquement du plaisir à prendre le dimanche après-midi entre copains. Mais là, quand le président était venu dans le vestiaire pour nous engueuler après une défaite, j’avais été très surpris. J’en souris aujourd’hui, je venais juste de changer de monde. »

« Je n’ai pas le cursus d’un gars qui peut rêver de devenir professionnel »

Désormais à Sarre-Union depuis près de trois saisons, il a pris le pli de la compétition, se dit « heureux d’être là, à côtoyer des dirigeants comme Roudy Keller ou Laurent Weinstein ».

Comme il se dit heureux de représenter son quartier dans ce coin d’Alsace, pourtant réputé grognon.

« Franchement, je suis heureux de vivre plein de choses avec une bande de potes. On est de toutes les couleurs, de toutes les religions, de tous les coins de France. Et on rit ensemble », raconte celui qui a mis ses études entre parenthèses.

« À la rentrée prochaine, je les reprends ou je trouve un travail. Je n’ai pas le choix, j’ai les pieds sur terre malgré ce que nous vivons. Je n’ai pas le cursus d’un gars qui peut rêver de devenir professionnel. »

Lui espère juste faire la fierté de ses parents et de ses cousins, « qui habitent quatre étages plus bas », et qui seront tous là face à Lorient. Et Rachid Hayef rêve de déguster ensuite un nouveau tajine de veau. C’est bon le tajine de veau, surtout quand c’est sa maman qui le prépare…

 

Source DNA.fr

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